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Chevalier de la Voûte Sacrée - Memphis-Misraïm

Chevalier de la Voûte Sacrée

14e degré du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm

Au Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm les 13e et 14e grades sont conférés le même jour. Le 13e degré constitue le grade de réception principal et le 14e une suite complémentaire essentielle éclairant la signification de la cérémonie de réception au 13e degré. La cérémonie de réception la plus importante d’un point de vue symbolique et ésotérique reste cependant celle du 13eme degré, Chevalier de Royale Arche.

Au cours de cette série ayant trait à la présentation des Hauts Grades de Memphis-Misraïm, nous avions pris le parti de présenter le grade de Maître maçon comme étant, d’une certaine manière, le premier véritable Haut Grade de la franc-maçonnerie. Bien que complet d’un point de vue initiatique, nous avions montré que son déroulement comportait trois promesses implicites, ou trois questions, conduisant potentiellement au développement de trois directions de travail initiatique qui sont justement l’objet des Hauts Grades. Pour rappel, voici quelles sont les trois promesses du grade de Maître :


Première promesse

Comment poursuivre l'oeuvre d'architecture et de construction ?

La première est celle de la construction du Temple qui doit se poursuivre. Pour y parvenir, il faudra retrouver les secrets de construction partis dans la tombe avec Maître Hiram, mais aussi trouver le secret de leur mise en œuvre, lequel renvoi à la notion d’opérativité par trop souvent étrangère aux frères, quel que soit leur rite d’ailleurs.

Seconde promesse

Qui a tué Hiram ?

La seconde promesse est celle de la vengeance de Maître Hiram et de la justice rendue aux meurtriers du Maître qu’il va d’abord falloir poursuivre, retrouver et juger. Cette catégorie était l'objet de la réception qu 9e degré du rite.

Troisième promesse

Quel était la véritable parole des Maîtres ?

La troisième promesse du grade de Maître, la plus mystérieuse, consiste en la redécouverte de la parole perdue de Maître Hiram, car le véritable mot des Maîtres est un mot de pouvoir pour celui qui le découvre et sait le prononcer. Celui des maçons est un mot substitué et donc le Maître-maçon n'en est pas vraiment un...


Aux grades de Maître, de Maître Secret puis de Maître Discret ou Parfait, on se trouvait dans la même temporalité que celle de la mort du Maître.

La maîtrise est la découverte du corps d’Hiram ; le Maître Secret garde la dépouille d’Hiram dans le Saint des Saints ; le Maître Discret ou Parfait, consiste en la construction du mausolée exposé dans le souterrain du Temple. Et ce mausolée nous renvoie à la catégorie de l’architecture car celui-ci représente un condensé des connaissances ésotériques de la géométrie Sacrée notamment le cercle et le carré c’est-à-dire la résolution de la quadrature du cercle.

Cette série nous renvoie ainsi à la première promesse…

Au 9eme grade (mais aussi les 10e et 11e), on aborde la question des grades dits de vengeance consistant en la poursuite des meurtriers d’Hiram.

Cette série renvoie donc à la deuxième promesse et la résolution de sa question. Sans doute l’un des approches la plus complexe à comprendre sur un plan initiatique.

Au 13e et 14e degré, on aborde cette fois la troisième promesse c’est-à-dire la recherche parole perdue. La vengeance ou la construction sont ici totalement extérieures à ces grades et d’ailleurs, la légende elle-même est formulée de telle sorte que la temporalité soit complètement déconnectée de l’histoire maçonnique d’Hiram, nous savons seulement que cela se situe bien après, mais sans qu’aucune époque ne soit vraiment précisée. Ce grade aurait donc très bien pu succéder à la Maîtrise directement sans enrayer la « logique » maçonnique du rite. Et d’ailleurs, cette façon de procéder est manifestement volontaire, cela en raison de l’ésotérisme du grade qui relève d’une dimension complètement atemporelle. La quête qui est vécue sous forme d’histoire se déroule, en réalité, dans la seule verticalité et donc, hors d’un temps historique. Et le fait de faire intervenir des personnages ici n’a pour fonction que de rendre compréhensible quelque chose qui échappe ordinairement totalement à la linéarité temporelle.

En effet, la « parole perdue », qui renvoie à la notion de verbe créateur à l’origine du monde n’est pas un évènement/principe qui s’est manifesté à la genèse de l’univers dans un temps historique, mais un évènement/principe métaphysique permanent et continue qui maintient l’univers dans son équilibre et auquel essaie d’accéder l’initié de ce grade…

Contexte légendaire du 13e degré Chevalier de Royale Arche (valable pour le 14e)

Comme nous l’avons dit, ce degré ne concerne que la recherche de la Parole Perdue, mais le mieux est encore de s’en remettre aux explications du rituel lui-même pour situer le contexte :

« Longtemps après la mort d’Hiram et de Salomon, après que les armées de Nabuchodonosor eurent détruit le royaume de Juda, rasé la ville de Jérusalem, renversé le Temple, emmené en captivité ceux qui avaient survécu au massacre des populations ; alors que la montagne de Sion n’était plus qu’un désert aride où paissaient quelques maigres chèvres gardées par des Bédouins faméliques et pillards, un matin trois voyageurs arrivèrent au pas lent de leurs chameaux. Ces trois voyageurs étaient des Mages, des Initiés de Babylone membres du Sacerdoce Universel, qui venaient en pèlerinage et en exploration aux ruines de l’ancien Sanctuaire. »

Aigle noir et blanc memphis misraimLa scène essentielle ici se déroule dans les ruines du Temple. Il y a des références évidentes aux destructions du Temple dans la perspective du judaïsme mais ici, dans ce contexte, les ruines renvoient surtout au fait que tout est à construire à partir du chaos. Et l’on indique ici que c’est en fouillant ce chaos que va s’opérer la redécouverte de l’élément réorganisateur du monde… Préfiguration de la formule très connue « Ordo ab Chao ».

Fouillant donc les ruines, nos trois voyageurs vont découvrir une entrée sous les décombres. Ils vont alors suivre cette voie, ce qui va les conduire à explorer les voûtes dont les entrées sont faites de portes de bronze comportant des symboles mystérieux. Chaque porte s’ouvre en prononçant un mot spécial, ce qui nous renvoie ici en permanence au pouvoir de la parole d’une part, mais aussi au fait que d’autres mots que celui, perdu, de Maître Hiram, peuvent avoir un pouvoir particulier…. Avançant de voute en voûte ils parviennent ainsi à la dernière et, voulant prononcer l’ultime mot, sont expulsé par un souffle divin…

On remarque bien dans ce contexte combien le cadre mythique se trouve dans un temps éloigné de l’histoire d’Hiram dans le but évident de rendre cette histoire, justement, atemporelle. Ceci ressemble fort au « il était une fois » des contes pour enfant dont le but est de rendre ces contes éternellement actuels en leur signification profonde.

L’ésotérisme au 13e degré Chevalier de Royale Arche (valable pour le 14e)


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Il existe de multiples théorisations de la kabbale. Celle qui sous-tend ce rituel est principalement issue de la vision d’Isaac Louria (kabbaliste du 16ème siècle) et de son concept de tsimtsum et de celui de la « brisure des vases » qui sont mises ici en rituel maçonnique.

Le tsimtsoum est un concept central de la Kabbale dans la pensée de Isaac Louria. Le terme lui-même signifie « contraction » ou « retrait » en hébreu. Selon Louria, le tsimtsoum est l’acte par lequel Dieu, désigné en kabbale par le terme En Sof (l’Infini), se contracte en Lui-même.

Cette contraction divine crée un espace « vide » exempt de la présence divine, permettant ainsi l’existence d’un monde fini et distinct de Dieu. Ce processus est considéré comme nécessaire pour la création, car avant le tsimtsoum, tout est absorbé dans l’infinité de Dieu, sans possibilité d’existence indépendante.

La « Chevirat hakelim » ou brisure des vases est un concept essentiel de la pensée de Louria. Cela décrit une des phases cruciales de la création du monde selon sa doctrine.

  1. Tsimtsoum (rétraction de Dieu) : C’est la première étape où Dieu se contracte pour laisser un espace vide, créant ainsi un lieu pour l’univers. Ce retrait est nécessaire pour permettre une existence autre que Dieu.
  2. Tehirou (le vide) : L’espace qui résulte du tsimtsoum est appelé « Tehirou ». Il s’agit d’un vide primordial qui contient encore un « résidu de lumière » appelé « Rechimou ».
  3. Éclatement des vases : Quand la lumière divine tente de se manifester dans ce vide, elle est si intense qu’elle brise les "vases" ou les "sefirot" (attributs émanés de Dieu) qui ne peuvent pas la contenir. Seuls les trois premiers vases résistent, tandis que les 6 autres éclatent, la 10eme n’éclate pas totalement.
  4. Étincelles de sainteté et Qlipot : Les fragments des vases brisés contiennent des « étincelles de sainteté ». Ces étincelles sont prisonnières des « Qlipot » (coquilles ou écorces), qui représentent les aspects les plus grossiers et maléfiques de la réalité. Ces forces obscures contribuent à l’exil et la dissimulation de la lumière divine dans le monde matériel.
  5. Tiqoun (réparation) : La mission ultime est de libérer ces étincelles de leur emprisonnement dans les Qlipot, un processus appelé « Tiqoun ». Cela implique des actions justes et spirituelles par lesquelles les étincelles sont purifiées et remontent vers leur source divine, contribuant à la réparation du monde.

Les trois mages vont donc « vivre » ce que ces concepts décrivent, et ce sont donc les Frères qui vont expérimenter ce drame cosmique de l’intérieur. Cependant, bien que leurs voyages depuis la surface dans les ruines jusqu’à leur expulsion de la dernière voûte nous renvoient à tout cela, l’essentiel réside ici dans la prononciation des « mots de pouvoir » capable d’ouvrir les portes. Ainsi est-il question de suggérer que le mot des Maîtres avait à voir directement avec la faculté de savoir prononcer ce mot d’une part, mais aussi que ce mot était directement en lien avec le Nom de Dieu. Or chacun sait que ce Nom contient toute chose, qu’en lui se trouve la source de tous les pouvoirs occultes de l’univers.

C’est donc un grade dont la vocation est essentiellement culturelle, puisqu’il est question d’étudier la kabbale en ses principes, mais on devine déjà que derrière cela se cache des opérativités rituelles ayant directement à voir avec la pratique de la théurgie dans l’exercice de laquelle les vocalisations peuvent tenir un rôle capital.

Mais la valeur du grade tient aussi au fait qu’il est le premier dont la transmission se fait par imposition des mains, sans aucun ustensile comme épée ou poignard… Ceci est une particularité trop rarement remarquée.

De l’opérativité possible des 13e degré Chevalier de Royale Arche et 14e degré Chevalier de la Voûte Sacrée

omtmm royale arche misraim memphisL’essentiel ici est surtout d’ordre culturel, parce que ce qu’il va s’agir d’étudier aura un intérêt majeur pour la suite, notamment au 18eme degré de Chevalier Rose-Croix. En effet, ici il s’agit d’une kabbale résumée, aucun aspect réellement opératif n’est vécu par les impétrants lors de leur réception hormis le mythe qui va leur servir de support pour comprendre. Il est question de conceptualiser, au fond, la manière dont la Lumière parcours l’arbre et, par là même, comment elle se manifeste en l’homme afin que, le moment venu, nous puissions commander par la parole aux dieux qui nous habitent.

C’est un livre d’étude qui nous prépare à une suite, car à quoi pourrait bien nous servir de savoir prononcer le nom ineffable si nous ne savons pas ce qu’il est ?
Cependant, le rituel offre une piste supplémentaire de compréhension dans l’instruction du 14e degré :

« Mais à qui revient le droit de s’identifier à « ce qui est », à ce qui possède « l’Être en soi » ? « Aucun d’entre nous ne peut dire : « je suis » puisque nous n’apparaissons que pour disparaître. Nous concevons cependant un principe possédant l’Être en soi, c’est « l’Être étant », que les kabbalistes représentaient par le mystérieux tétragramme inscrit sur la pierre d’agate devant laquelle vous avez été conduits. »

Cette explication du mystérieux Nom est ici mise en avant sous son caractère éternellement présent et actif d’une part, mais également sous l’angle de sa Nature qui est « être », ce n’est donc pas seulement un Nom mais l’aspect ontologique du principe lui-même. Ainsi sont indiqués, en creux, les critères nécessaires de l’attitude de celui qui veut atteindre à la connaissance du principe : il doit chercher l’entrée dans un lieu qui n’est pas spatial mais temporel, ce lieu est le « Maintenant », « Hic et Nunc ». En effet, la vie de l’univers ne se déploie que dans le « maintenant », la parole divine n’est donc audible qu’à partir de cet endroit. Seul celui qui est capable de se tenir en ce lieu sera donc à même, par sympathie, d’entendre et /où de prononcer une parole de pouvoir. Être capable de déposer une intentionnalité dans l’instant présent, c’est un peut comme déposer une graine dans la terre… celle-ci sera alors prise en chaque par l’univers tout entier et la conduira à se développer…

Ceci est une manière d’expliquer que toute l’efficacité potentielle du verbe chez un mage ne dépendra que de l’endroit d’où il parle. S’il est ailleurs que dans « le maintenant », c’est-à-dire dans une pensée, une émotion, une espérance, ou quoique ce soit qui puisse l’écarter de l’immédiateté du vivant, c’est-à-dire de « l’ego », alors sa parole sera inopérante, parce que le verbe créateur ne conserve son pouvoir créateur que dans l’éternel présent.

Cet aspect, très concret pour un opératif, nous rappelle ce qui arrive à Hiram l’lorsqu’il essai de sortir du Temple, il est tué et perd sa vie… Le verbe ne peut avoir de demeure que le lieu d’où il émane.

Chacun comprendra que, dans une méditation bien conduite, telle que l’a réalisée le Maître Secret (méditation et expérience de l’impermanence), puis le Maître Discret (méditation et expérience de l’impermanence dans l’action pour reconnaître le permanent) puis le Maître élu des Neuf (assumer la distinction au quotidien), la « discrimination » conduit à l’expérience et la reconnaissance immédiate de ce qui est permanent en nous, et donc, de cet « être en soi ». Dès lors, la connaissance de la Parole confère potentiellement à celui-là un Pouvoir tout à fait particulier. Toute « Parole » provenant de ce « lieu » de l’être, n’est rien d’autre qu’un acte de pure création auquel se soumet ensuite la matière inerte. Elle s’anime alors sur l’instant une vie particulière.

Il est évident que pour qui trouvera les Arcanes de l’alchimie, la nécessité de savoir conférer théurgiquement une vie spirituelle est une nécessité absolue. Les voies alchimiques internes nécessitent la compréhension et l’application de certains procédés qui rendent les matières « canoniques », et cela demande également un certain entraînement. Sans cela, les pratiques sont au mieux, stériles, au pire provoquent des forces que l’on ne comprend pas…
La notion de présence à soi-même dont il est souvent question dans nos propos doivent dès lors s’éclairer un peu plus pour le maçon en quête de la Lumière. Nulle magie, nulle théurgie ne saurait être réalisée depuis l’esprit de celui qui est « absent » à lui-même. Il existe donc un lien étroit entre la Connaissance et le Pouvoir, étant entendu que par Connaissance, nous n’entendons pas le fait de savoir ou de comprendre, maïs bien d’être dans « l’état » de Connaissance, de Gnose.

La suite au prochain degré…