
Chevalier Rose-Croix de l’Aigle Noir
18e degré du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm
Le 18e degré de Chevalier Rose-Croix a été l’objet d’un certain débat au sein du rite de Memphis-Misraïm dans les années 1970-80. En effet, deux rituels ont été pratiqué.
Le premier est le rituel dit « classique », semblable en son contenu à celui du Rite Ecossais Ancien et Accepté et du Rite Français dont le substrat symbolique s’inspire de la symbolique chrétienne et rosicrucienne. C’est d’ailleurs le premier grade « christique » que rencontre le maçon, les degrés précédent roulant sur des références bibliques de l’ancien testament. Mais de même que l’ancien Testament est annonciateur de la venue d’un « messie », de même la maçonnerie le fait apparaître ici après les périples des grades précédents. Le rite Français en a d’ailleurs fait, non sans raisons, le dernier degré de son système de hauts grades. En effet, que pourrait-il y avoir de plus que la « parole » révélée, incarnée par le Christ dont le Rose-Croix est l’équivalent initiatique.
Mais le rite de Memphis-Misraïm n’est pas un christianisme ésotérique, sa dimension est « hermétique », mot qu’il faut entendre comme synonyme de « égyptien » dans le langage des anciens. C’est ainsi qu’un autre rituel avait été proposé par Robert Ambelain.
Ce deuxième rituel s’inspire très nettement des rituels alchimiques composés par le baron Henri Théodore Tschoudy au milieu du 18e siècle. Le grade originel, en trois parties, avait été placé comme le premier grade du rite écossais philosophique qu’il faudrait d’ailleurs ranger dans la catégorie des « rites maçonniques égyptiens ». D'ailleurs, le rituel figurait dans la toute première échèle de grades du rite de Misraïm que l'on peut consulter dans les archives de la bibliothèque d'Alençon.
Inutile de dire que le rituel choisi par Robert Ambelain est d’une toute autre teneur que le grade « classique » et que son message bien que très différent, n’en est pas moins assez complémentaire puisque la « parole perdue » y est non seulement retrouvée, mais qu’on envisage ici de s’en servir… Plus exactement, il est question de comprendre la notion de la vocalisation des voyelles dans la théurgie pratique. Ainsi le rituel condense-t-il en lui-même toute l’essence de la maçonnerie égyptienne/hermétique. On y retrouve encore les 4 éléments, les 7 planètes, les 12 signes du zodiaque. Le rituel fait également référence à la « Balance de Salomon » que l’on retrouve aussi dans les célèbres clavicules de Salomon.
Ainsi, compte tenu de ces différences entre les rituels, le débat fut rude pour savoir lequel serait établi comme référence dans l’Ordre de Memphis-Misraïm. Voici l’extrait du bulletin intérieur de 1978 :
La légende du grade de Chevalier Rose-Croix de l'Aigle Noir
Le grade de Chevalier Rose-Croix de l’Aigle Noir ne repose pas sur le mythe de Christian Rosencreutz, pas plus que l’on ne trouve de lieu particulier en référence à la légende d’hiram qui permettrait de le situer dans la série des Hauts Grades de Memphis-Misraïm. Nous savons seulement que le Frère est conduit dans un sépulcre ou gît le corps d’un homme identifié comme un « traitre » à la maçonnerie et, plus particulièrement, à la Rose-Croix :
« Sans doute avez-vous deviné qu’il a détourné un secret essentiel de la Rose-Croix à des fins involutives » (extrait du rituel de réception au 18e degré Chevalier Rose-Croix de l’Aigle Noir).
Le mythe se positionne ainsi hors du temps historico-mythique de la franc-maçonnerie reposant sur la légende d’Hiram, car il ne se rattache à aucun élément identifié aux légendes habituelles. Tout réside dans l’action elle-même, perçue ici comme un événement rituel total et auto-suffisant. Cependant, pour servir de repère aux principes ésotériques dont il va être question, la trame narrative s’appuie sur un imaginaire populaire très répandu qui est celui du vampirisme. Le vampire est une figuration centrale de celui qui s’est perdu dans les ténèbres, il est souvent vu comme celui qui sacrifie son immortalité spirituelle pour au profit d’une immortalité physique et l’obtention de pouvoirs surnaturels. Le rituel met donc en scène un homme ayant découvert un "Secret" lié à la quête de l’immortalité mais qu’il a utilisé à des fins l’ayant conduit à se perdre dans les ténèbres. Il est donc fait référence au sang comme support de la vie matérielle mais surtout comme le véhicule secret d’une autre « sub-stance », objet de tous les mystères des alchimies internes dont il est souvent question dans les écrits Rose-Croix.
Ce secret, au cœur du drame, se connecte intimement à la quête du Rose+Croix et pour tout dire très peu à la quête maçonnique elle-même sinon comme préparatrice de cette entrée dans la Rose+Croix. Dans ce contexte, le Frère gisant au centre du sépulcre représente donc un thème essentiel de l’hermétisme, celui du destin posthume et les dangers auxquels est confronté celui qui poursuis le chemin des véritables Rose-Croix. Si le gisant symbolise la face inversée de cette quête, c’est pour mettre précisément en valeur la quête de l’authentique Rose-Croix de l’impétrant, prolongation naturelle de la Voie maçonnique. Ainsi, le mythe exploré dans ce récit n’est pas seulement une recherche de la vie éternelle, mais surtout une transformation spirituelle profonde, marquée par le processus alchimique.
L’ésotérisme du grade de Chevalier Rose-Croix au rite de Memphis-Misraïm
Evoquer complètement ici l’ésotérisme de ce grade est délicat, car il concerne directement certains processus liés aux « voies des substances » dont on pourrait avoir une idée grâce à la publication du « thésaurus thesororum des Rose-Croix D’or ». Il faut se rappeler qu’au 5eme de Maître Discret, premier degré « véritable » du rite de Memphis-Misraïm, le Cœur d’Hiram dans le mausaulée est la seule partie restée mystérieusement intacte. Or, comme dans la légende populaire, c’est au cœur que l’on doit frapper pour détruire « l’horreur qui n’a pas de nom » et que c’est dans le cœur que sera frappé le gisant. Le message est clair, c’est dans le sang que se trouve le support de la vie, une sorte d’Hermès physique qui transporte le message et, quiconque entend réaliser l’œuvre de la Rose-Croix devra suivre et comprendre les chemins éternels que la nature a inscrit dans le corps de l’Homme. Et le rituel nous averti de cette double réalité corporelle et du pouvoir qui circule dans le sang :
Toutefois et par avance, nous devons vous avertir que l’épreuve que vous allez subir, probatoire de votre mérite et justificative de votre accès au grade de Chevalier de l’Aigle Noir, Vrai Rose+Croix d’Allemagne, se double, en des plans plus subtils, d’une véritable réalisation effective. (Extrait du rituel de réception au 18e degré Chevalier Rose+Croix de l’Aigle Noir)
Ce qui est en Haut est comme ce qui est en bas, tel est le message, et ce qui se passe dans le rituel s’exerce à un autre niveau de réalisation. Ce grade étrange, rempli de symboles alchimiques nous invite ainsi à explorer les sciences hermétiques, à utiliser les lois des correspondances afin que la matière soit apte à recevoir le feu divin. Mais on ne pourrait finir ici sans se souvenir du serment des Apprentis maçons du rite de Memphis-Misraïm qui est signé d’une certaine manière très particulière avant d’être projeté par le feu dans l’invisible.
De l’opérativité 18e degré Chevalier Rose-Croix de l’Aigle Noir
Le rituel ne confère pas la « pratique » mais il est évident que la piste qui est proposée est celle de l’étude et la pratique des trois sciences hermétiques, laissant au Chevalier Rose-Croix le soin de décider comment il abordera ces sciences. D’un point de vue opératif, il est surtout invité à comprendre la notion de « Nom de pouvoir », absolument essentiel à la réussite du magistère solaire des Rose-Croix, étant entendu que celui-ci sera utilisé dans le cadre de la « voie d’immortalité » telle qu’elle fut diffusée dans le courant rosicrucien. Reste à comprendre ce qu’elle est…
Au 14e degré, le Frère a retrouvé la Parole de Maître Hiram, mais il n’a pas été en mesure de la prononcer. Ici, l’instruction donnée au Frère l’invite justement à l’étude de la prononciation du Nom et des lettres qui le compose. Or, il y a dans cette vocalisation spéciale, le pouvoir de « sacraliser », de « purifier », « d’exorciser » etc. Le maçon était, jusqu’à ce grade, amputé de ce pouvoir, parce qu’a l’instar des Maîtres retrouvant Hiram, les maçons ne possèdent pas les clés de cet ésotérisme et il appartenait donc au Rose-Croix de combler cette lacune.
A ce titre, il est conféré au Chevalier pendant la cérémonie, la possibilité de sacraliser les Temples pour les ouvertures et les fermetures des travaux, car puisqu’il est en possession du « Nom », c’est qu’il est aussi en mesure de l’utiliser selon les prescriptions prévues qui lui sont données. C’est aussi ce nom qui est présent dans nos rituels sous la forme d’un Feu Sacré ; il est la Lumière de Notre Naos au premier degré.