Maître Discret ou Parfait
5e degré du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm
Le contexte légendaire est le même que celui du Maître Secret. D’ailleurs il faut garder à l'esprit que ces deux grades maçonniques se confondaient parfois en un seul puisque leurs légendes respectives se situent précisément dans la même temporalité, en l'occurence juste après la mort de Maître Hiram. De plus, les deux grades maçonniques concernent le corps et le tombeau d’Hiram et se complètent donc l’un l’autre par leurs détails symboliques. Leur complémentarité est telle, qu'il est même arrivé que leur position dans la hiérarchie ait été inversée, démontrant un peu plus leur proximité initiatique.
En France, les Collèges du rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm utilisent en général le 4e degré de Maître Secret comme grade fondamental pour travailler et ne transmettent le 5e que par communication, à l’occasion de la réception au 9e degré de Maître Elu des Neuf. Mais c’est retirer au parcours maçonnique l'expérience initiatique d'un grade bien plus important qu'il ne semble au premier abord. En effet, dans notre premier livre sur les Arcana Arcanorum, nous avons pu montrer que c'est ce grade qui a servi de fondement pour la structuration symbolique des plus hauts degrés du rite de Misraïm.
En effet, le décor central de la loge de Maître Discret, le tombeau d’Hiram ou plutôt le mausolée, représente très exactement le « sceau secret » du rite lorsque ce mausolée est « vu du dessus », c’est-à-dire un point de vue impossible à connaître pour celui qui se trouve dans un corps de chair… Ce "Sceau Secret", se trouve être la synthèse et la somme graphique des quatre derniers grades du rite de Misraïm désignés en général comme Arcana Arcanorum.
C’est pour cette raison que certaines branches du rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm ont enrichi le grade d’un développement spécifique à notre culture ésotérique, comme l’a fait Robert Ambelain avec les trois premiers grades, mais aussi avec les 9e, 18e et 30e grades (Pour ceux qui prétendent parfois que notre rite est « écossais »). Dès lors, certains Collèges de notre rite maçonnique égyptien utilisent le 5e degré de Maître Discret ou Parfait comme degré d’entrée dans la hiérarchie des Hauts Grades de Memphis-Misraïm et transmettent alors le 4e degré par communication (A noter que cette communication reprend presque intégralement le rituel pour être exécutée).
Le contexte légendaire du grade de Maître Discret ou Parfait
Après la mort d’Hiram, une réunion présidée par le roi Salomon se tient dans le Temple car les travaux du Temple ne sont pas terminés ; en particulier, le Saint des Saints, dont l’aménagement avait été confié à Hiram. Salomon attribu le travail à une commission de sept Maîtres et c’est Adoniram qui est chargé de recruter le 7e et dernier Maître, lequel se trouvera être l’impétrant.
Nous nous trouvons donc juste après la mort d’Hiram, dans le Saint des Saints, avec Adoniram désigné par Salomon pour poursuivre les travaux. Adoniram a conçu le tombeau et son architecture, ainsi le grade développe les secrets de cette architecture du tombeau et les mystères qu’il recèle. La légende du grade ne le dit pas, mais le rite de Memphis-Misraïm donne des indications précises et spécifiques sur ses couleurs, sa forme et sa conception, le tout mis en rapport avec les règles architecturales de la pyramide égyptienne… Pour le maçon « Tout est Nombre », et il est évident qu’il y a là un travail profond de recherche à effectuer. D’ailleurs tout se résume peut-être à cette simple phrase du rituel de Maître Discret :
« Après la mort d’Hiram, Salomon décide que les funérailles du Maître soient l’objet de la plus grande solennité. Adoniram, fils d’Abda, dessina le projet du monument funéraire que l’on devait construire en neuf jours, parce que neuf sont les bases de la grande sphère. »
Après avoir été placé dans le Saint des Saints (4e degré), le corps du Maître fut ensuite transporté dans le souterrain du Temple, c’est le lieu dans lequel se réunissent les Frères Maître Discrets ou Parfait et dans lequel est exposé, au centre, le mausolée se terminant en forme de pyramide (égyptienne) abritant le cœur imputrescible d’Hiram, mystérieusement demeuré intact. Ce dernier aspect explique peut-être pourquoi le corps est aussi secrètement gardé, et aussi pourquoi il a été autorisé à demeurer dans le Saint des Saints…
L'ésotérisme du grade de Maître Discret ou Parfait au rite de Memphis-Misraïm
L’ésotérisme du grade est extrêmement vaste et profond et se développe dans plusieurs directions qui mériteraient un ouvrage à elles seules, à noter que cet ésotérisme est propre au rite de Memphis-Misraïm. En effet, bien que la trame symbolique du mythe soit partagée avec d’autres rites, le contenu est développé et présenté d'une manière qui ne se trouve nul part ailleurs. Ce détail permet de mettre un terme à cette idée reçue, malheureusement assez répendue, qui affirme que le rite de Memphis-Misraïm ne serait que du "REAA" jusqu'au 33e degré. Ce n'est pas parce que des grades maçonniques portent le même nom, que les rituels mis en oeuvre le sont aussi...
Chacun remarquera ici la proximité du nom des protagonistes principaux, détenteur du savoir maçonnique, Hiram et, dans ce mythe symbolique, Adoniram. Celui qui détient le secret du rite égyptien ici n’est donc plus seulement Hiram, mais aussi Adoniram, dont la réalisation du monument funéraire basé sur sa connaissance de la géométrie de la grande pyramide, constitue un véritable livre de pierre à décrypter pour accéder à la source de la Connaissance, à la Gnose.
Hiram et Adoniram sont donc, en ce contexte ésotérique précis, des Frères jumeaux. Tous deux possédent donc la Parole, ce que démontre la fabrication d'Adoniram mais que ne disent pas explicitement les rituels… C’est pourquoi Adoniram peut être considéré, en cette situation spécifique, comme une sorte de Supérieur Inconnu, notion pour le moin particulière que l'on perçoit régulièrement dans nos rituels. Ce n’est sans doute pas pour rien que Salomon l’a désigné lui et pas un autre… Aussi fera t’il graver une première lettre sur le monument sans l’expliquer à ses Frères... La Première lettre du vrai Mot des Maîtres maçons…
Mais notre rituel donne d’autres indications. L’urne funéraire pyramidale contient les cendres mais aussi le cœur imputrescible d’Hiram. Il n’est pas difficile d’y comprendre la perspective alchimique à peine voilée par ce symbole. La putréfaction ayant eu lieu, les restes ayant été calcinés, il n'y a plus que le "Mercure" parfait, quitessence de la vie elle-même. Après que le futur Maître Discret ait rencontré les quatres animaux symboliques lors de ses voyages symboliques, cette Urne enigmatique lui est montrée sans véritables explications. Mais pour l'aider à comprendre le mystère qu'il traverse, la signification et le but de ces symboles lui sont présentés en ces termes :
« Vous découvrirez ainsi la clef de la Connaissance, comme objet et Vérité absolue qui ne réside pas dans l’étude mais dans la participation directe et immédiate au Principe qui est immanent dans chaque initié. »
puis
« Vous descendez maintenant dans les profondeurs des Eléments qui vous ont purifié au moment de votre admission dans l’Ordre Maçonnique. Après les avoir perçus, vous devez les maîtriser ».
Par ces deux phrases, il devient de plus en plus évident que pour le maçon égyptien de Memphis-Misraïm, la maçonnerie spéculative n’existe pas. La Franc-maçonnerie est opérative ou elle n’est pas, tel est l’enseignement secret d’Adoniram au nouveau Maître Discret.
De l'Opérativité possible du Maître Discret ou Parfait
Pour résumer, il est ici question pour le Maître Discret de compléter son travail opératif commencé au grade de Maître Secret sur l’impermanence, par celui de la « participation directe et immédiate au Principe qui est immanent ».
On voit ici en quoi ces deux grades sont, d’un point de vue opératif, complémentaires. En effet, la perception consciente, en temps réel, de ce qui est impermanent en nous, met simultanément en relief ce qui est permanent. C’est ce que désignent les cendres et le cœur imputrescible qui ne se révèlent qu’après que le corps ait totalement disparu. Le fait de s’adonner à la méditation sur l’impermanence (Une véritable méditation, non une refléxion), ouvre immédiatement l’esprit à la découverte de l’immortalité de la « Nature de l’Esprit », voire à en faire l’expérience directe pour les plus avancés. Le fait de découvrir une face de la médaille nous offre simultanément la connaissance de son revers, mais il reste à tourner la pièce pour la voir, c’est ce que doit faire le Maître Discret ou Parfait.
Si le Maître Secret ne « fait » rien, qu’il est dans une forme subtile de passivité, voir même de confusion, le Maître discret lui, entreprend de se mettre en mouvement sans perdre la pratique de son processus attentionnel acquis durant ses méditations. Cette phase du travail opératif est donc conditionnée par une expérience suffisante de la première. De même qu'un certain temps est nécessaire pour qu'un cadavre se décompose, de même un certain temps doit s’écouler avant que la conscience ne se laisse distinguer en ses éléments impermanents et permanents. C’est Pourquoi le premier Temple du Maître Secret est Noir comme Saturne et la putréfaction, tandis que celui du Maître Discret ou Parfait qui lui succède est Vert comme tout ce qui reprend vie après la mort, malgré que le lieu mythique des travaux se trouve être le sombre souterrain du Temple.
Il va donc s’agir de poursuivre intensément la méditation du Maître Secret, mais en l’accomplissant cette fois durant l’action et nos interactions avec les autres. En effet il est facile de méditer dans le calme de la solitude, mais que deviennent nos perceptions et l’état de notre conscience lorsque nous sommes pris dans le tourbillon du monde ?! Il faut apprendre le lâcher-prise dans l’action, rester présent sans s’oublier un instant. C’est cet aspect qui est indiqué par cette phrase symbolique « Après les avoir perçus [Maître Secret], vous devez les maîtriser [Maître Discret] ».
Nous venons de décrire les grandes lignes de l'attitude introspective à suivre, mais les opérativités connexes pouvant venir soutenir cette démarche intérieure nécessiterait de pouvoir évoquer également les « dons du Très Haut » en lien avec l’étude et la pratique des 7 principes hermétiques présentés sur l’arche d’alliance lors du troisième voyage, de même que les 72 lumières présentent durant la réception qui nous rappellent certaines pratiques évocatoires des 72 anges de la kabbale. Ce dernier point nous permet d'ailleurs de montrer l'importance de ce grade, puisqu'il faut se rappeler qu’au 89e et véritable dernier degré opératif du rite, le Temple est lui aussi éclairé par 72 bougies, évoquant les mêmes principes, démontrant ainsi sa proximité avec ce grade maçonnique.