J’ai écrit ces quelques lignes le 29 octobre 2002, à l'attention de quelques Frères qui souhaitaient faire le point sur un sujet extrêmement difficile à cerner en raison du peu de documents à disposition. Ce texte n’était pas exhaustif bien-sûr mais il reste cependant d'actualité pour ce qui concerne l'essentiel. Je le reprends donc aujourd’hui en y apportant quelques corrections afin qu'il serve d'introduction aux autres articles du site sur les Arcana Arcanorum.
Par Axel KAROL
Traiter des Arcana Arcanorum doit être interprété par nos éventuels lecteurs comme une tentative de mise au point sur un sujet extrêmement délicat qui suscite l’intérêt tout autant que le mystère. En effet, c’est un sujet dont tout le monde parle beaucoup mais sans jamais rien démontrer. Affirmation gratuite nous dira-t-on, et pourtant… Un véritable chercheur avec les qualités inhérentes à ce titre s’apercevra au travers d’une analyse impartiale d’un certain nombre d’indices, pour la plupart historiques, que la transmission d’un tel enseignement avait disparu depuis bien longtemps de la maçonnerie dite égyptienne si ce n’est depuis le début. Cela ne veut pas dire qu’il n’existait pas une transmission sur d’autres supports que les derniers degrés du rite, puisque ce seront ces mêmes indices, qui nous conduiront tout à l'heure à cette conclusion. Mon but est ici d’exposer un certain nombre d’éléments susceptibles de faire gagner un temps précieux aux chercheurs, ou tout au moins, de leur permettre de ne pas trop en perdre sur un sujet extrêmement difficile à cerner depuis la périphérie des ordres initiatiques actuels.
Cela lui valut attaques et critiques, ce qui l’obligea à inventer et diffuser l’histoire d’une prétendue filiation d’origine égyptienne qu’il aurait reçue de son père. Quant à une origine issue de maçons ayant accompagné Bonaparte en Egypte, elle relève du fantasme et n’a pour fonction vraisemblable que de soutenir et justifier les théories sur l’origine cette filiation. En réalité, rien ne vient étayer cette version bien au contraire. Ne nous attardons pas sur le rite de Memphismême si l’on pourrait supposer que Marconis y ai introduit les ARCANA ARCANORUM puisqu’il était lui-même membre de MISRAÏM, l’histoire du rite de MISRAÏM nous en dissuadera plus loin.
Si beaucoup d’experts ont tenté d’en trouver l’origine, ils n’ont malheureusement jamais pu dépasser le stade de l’hypothèse. Les plus aventureux situent sa création autour de 1740, d’autres vers 1805, 1811 étant la date du premier document attestant l’existence de ce rite. Tout ce que l’on peut dire néanmoins, c’est que la source ésotérique culturelle provient d’un petit groupe autour du prince Raimondo Di SANGRO DI SAN SEVERO. Ce dernier était très impliqué dans des recherches ésotériques dont les traces restent tout aussi impressionnantes que mystérieuses. Ce personnage étrange, adepte des voies de la main gauche et des voies alchimiques, réussit à pétrifier et éviter la décomposition de deux corps humains que l’on peut encore voir exposés dans la Chapelle SAN SEVERO à Naples.
Beaucoup ignorent que la chapelle San Severo est édifiée dans une zone où habitaient les Alexandrins d’Egypte, sur les fondements d’un temple où était vénérée la déesse Isis. A la place se trouve aujourd’hui une statue d’un "Christ voilé", est-ce là un signe symbolique ? La chapelle est donc située sur un lieu de forces déterminé par les premiers sacerdotes alexandrins, gardiens de la tradition égyptienne de Neapolis. La plupart des œuvres et travaux du prince ont disparu.. Seules restent à défier le temps dans la crypte de la chapelle les "machines" anatomiques : les squelettes d’un homme et d’une femme dont les organes, les viscères et le réseaux veineux sont demeurés intacts grâce à une mystérieuse réalisation alchimique...
Le milieu d’où est issu le rite de Misraïm est très secret, les travaux portent sur plusieurs domaines ésotériques et notamment sur des voies comme celle que l’on définit sous le vocable d'« Arcana Arcanorum », une pratique très ancienne qui remonterait au moins à la renaissance et comportant simultanément plusieurs disciplines portant essentiellement sur une voie alchimique interne et une théurgie semble-t-il d’origine chaldeo-égyptienne dont les objectifs sont de « séparer » les différents corps de l’adepte jusqu’à la "séparation solaire" en passant préalablement par une "séparation lunaire" et de créer par ce moyen un corps de lumière ou Corps de Gloire. Mais on sait que ce type d’enseignement est bien antérieur, par exemple en Chine où nombre de textes très anciens traitent de voies alchimiques dans lesquelles l’objectif est le même mais selon d’autres méthodes. Ne serait-ce que pour cette raison, on peut d’ores et déjà dire sans se tromper que l’apparition du rite de MISRAÏM n’est probablement que la couverture momentanée d'un courant beaucoup plus ancien et nécessairement discret compte tenu de l'époque. C’est pourquoi il faut rappeler qu’il y eu aussi un "Ordre Egyptien" signalé au XVIIIème siècle, dont même la police autrichienne ne put découvrir l’identité, un ordre lié de près au rite de MISRAÏM, un ordre aux origines mal définies. L’Ordre Osirien Egyptien auquel fut rattachée pendant un moment la fraternité de la MYRIAM de Guliano KREMMERZ a probablement un lien de parenté avec ce courant. Mais revenons en plutôt à ce qui nous intéresse ici, le rite "égyptien" de MISRAÏM.L’origine de ce rite, selon R. AMBELAIN(2), remonterait à 1788 avec une loge fondée à Venise par un groupe de sociniens auxquels CAGLIOSTRO aurait délivré une patente de constitution, c’est également ce que semble confirmer Gastone VENTURA(3) à partir des archives du Grand Sanctuaire Adriatique dont malheureusement très peu ont pu prendre connaissance et où il serait question de l’existence du rite à Venise dans la même période. Mais on sait aujourd’hui que le rite de CAGLIOSTRO n’a rien à voir avec le rite de Misraïm, leur point commun n’étant que l’origine et les sources d’où ils ont émané.
En France, ce n’est qu’en 1814-1815 que les frères BEDARRIDE implantent une loge à Paris. Voici ce que rapporte CLAVEL(4) à propos des débuts du rite en France :
"les postulants ne pouvaient arriver que jusqu’au 87ème degré. Les trois autres, qui complétaient le système, étaient réservés à des supérieurs inconnus; et les noms même de ces degrés étaient cachés aux frères des grades inférieurs".
En effet il semble que les frères BEDARRIDE ignoraient totalement les Arcana Arcanorum, les poussant ainsi à créer artificiellement les degrés "administratifs" que l’on connaît. Néanmoins un autre Frère semble avoir connu une transmission du rite à la même époque dans ses derniers degrés, il s’agit du Frère JOLY qui reçut les pouvoirs de Naples en 1813 des frères LASALE et LECHANGEUR. C’est en effet ce même JOLY qui présentera au Grand Orient De France le 20 novembre 1816 les secrets du Régime de Naples ou Arcana Arcanorum dont tout le monde parlera tant et que le rite de MEMPHIS ignore totalement puisque celui-ci n’existe pas encore à ce moment. Dès les commencements du rite en France, la situation se complique avec cohabitation simultanée de deux régimes, l’un est celui inventé par les frères BEDARRIDE, l’autre celui apporté par le frère JOLY et dit "Régime de Naples" ou Arcana Arcanorum, et ce sera RAGON qui en parlera dans son fameux Tuileur mais malheureusement sans donner de rituels.
Si l’origine du rite de MEMPHIS est assez facile à définir, on ne peut pas en dire autant du rite de MISRAÏM, d’autant qu’une transmission des Arcana Arcanorum reste difficile à voir, surtout si, comme nous le croyons, le système des Arcana Arcanorum ne sont pas les quatre derniers degrés du rite mais bien un enseignement d’ordre pratique qui s’y superpose. Dans ces conditions, celacomplique une investigation historique correcte de cette transmission, en impliquant qu’un 90ème de Misraïm n’est pas forcément détenteur de cet enseignement nous invitant à nous poser la question : JOLY connaît-il vraiment les Arcana Arcanorum ? Nous ne pouvons malheureusement le confirmer. Voici d’ailleurs ce que dit G. GALTIER (1) à la page 92 de son livre :
Selon toute vraisemblance, une transmission rituelle des Arcana Arcanorum est donc peu probable depuis JOLY (en supposant qu’il ait vraiment reçu quelque chose), tous les Grands Maîtres s’en sont complètement désintéressés jusqu’en 1930 pour ceux qui en connaissaient l’existence, ce qui était rarement le cas. D’ailleurs comme le rappelle Serge CAILLET (5), p. 292 :
Tous ces éléments confirment que depuis 1814, les Arcana Arcanorum sont inexistants dans les rites égyptiens de France. On pourrait cependant objecter que cet enseignement est secret et donc que personne n’en a parlé, mais cela est tout à fait improbable car s'il en était ainsi inutile de dire que l’on aurait pas utilisé l’échelle du rite de MEMPHIS mais celle de MISRAÏM qui lui correspond, même depuis la fusion des deux rites, où l’échelle de Naples (supposée) ne réapparaît qu’après 1934 avec le convent de la FUDOSI et Armand ROMBAUTS (soit près d’un siècle après l’arrivée du rite en France). L’histoire des rites égyptien de MEMPHIS et MISRAÏM montre à quel point la plupart ignorait les Arcana Arcanorum : modification des échelles de grades, mélange avec d’autres rites, augmentation des degrés, réduction des degrés, créations de rituels etc. Toujours est-il qu’en 1901-1902 le rite de MISRAÏM s’éteint en France.Maintenant que nous percevons mieux la situation des rites séparés, comment considérer les rites unis de MEMPHIS et MISRAÏM sur une base aussi peu fiable, peut-on concevoir quelque chose de crédible en matière d’Arcana Arcanorum ? Comment expliquer les réactions verbales violentes d’Armand ROMBAUTS (voir les leçons de ROMBAUTS dans le livre de serge CAILLET) et la réapparition des Arcana Arcanorum vers 1930 sur la scène maçonnique, s’ils avaient été effectivement transmis auparavant ? Aujourd’hui la situation est des plus complexecar en France, on ne compte plus les ramifications différentes de la maçonnerie Egyptienne, qui pour la plupart, se crédibilisent en revendiquant une filiation sur la base des Arcana Arcanorum. Il en est peu également qui ne se réclament de Constant CHEVILLON, comme s’il était le seul garant de la véritable transmission, ce qui en matière d’Arcana Arcanorum, est très précisément l’inverse pour des raisons historiques. Nous allons le voir avec ce que l’on appelle communément la "filiation YARKER", filiation qui est la plus éloignée des rites d’origines.
En septembre 1881, plusieurs Souverains Sanctuaires nationaux nomment Joseph GARIBALDI comme grand Hiérophante général 97ème des deux rites (à ce moment le rite de Memphis a disparu de France). Il décèdera moins d’un an plus tard alors que tous les Souverains Sanctuaires n’ont pas reconnu cette nomination.
Il s’agit en réalité d’un rite de MEMPHIS en 33 degrés créé par l’américain SEYMOUR, différent du MEMPHIS d’origine créé par MARCONIS et n’ayant rien à voir avec le MISRAÏM. C’est avec ce rite que YARKER construira son rite de MEMPHIS-MISRAÏM. Mais écoutons plutôt G. GALTIER (1) p. 155 sur cette filiation :
Mars 1913, Théodor REUSS succède à YARKER comme Grand Hiérophante. Après la guerre, en septembre 1919, REUSS octroie une charte à BRICAUD pour constituer un Souverain Sanctuaire de MEMPHIS-MISRAÏM en France. Voici ce qu’écrit G. GALTIER (1)p. 327:
REUSS meurt en 1924 sans succession. BRICAUD se considère alors comme légitime héritier et transforme le titre de Grand Hiérophante en celui de Grand Maître Général. Quand on constate que les rituels eux-mêmes n’ont plus rien de commun avec les premiers, d’ailleurs restés inconnus, on comprend immédiatement qu’une transmission réelle des Arcana Arcanorum relève du fantasme (d'un point de vue maçonnique). Pour cette raison, une tentative de réponse sera apportée quelques années plus tard avec les Frères belges (ROMBAUTS que nous avons déjà cité) qui reparleront de ce mystérieux enseignement qu’en France personne ne connaît à ce moment.
BRICAUD reprend donc la Grande Maîtrise en septembre 1919. En juillet 1920, il confère au belge Armand ROMBAUTS le 90ème degré du rite. Janvier 1931, BRICAUD l’élève au 95ème degré et lui délivre une charte (N°8) pour l’établissement d’une loge en Belgique qui portera le titre distinctif Les disciples de Pythagore. La situation se dégrade entre BRICAUD et ROMBAUTS, celui-ci ayant l’ambition de se libérer de la tutelle de celui-là et de constituer un Souverain Sanctuaire indépendant pour la Belgique. Mais on peut aisément comprendre ROMBAUTS, car celui-ci est en possession de documents mystérieux en rapport avec l’échelle de Naples (!?), dont on ne connaît pas l’origine et à la vue desquels ROMBAUTS considère que le rite pratiqué par BRICAUD en France est sans valeur. ROMBAUTS demande à son collaborateur MALLINGER de réviser les rituels en conséquence ce qui, outre d’autres éléments problématiques, provoquera la rupture avec la France, à l’exception de quelques frères qui se rallient à la Belgique en 1933, parmi lesquels il faut citer Georges BOGE de LAGREZE et Jean Henry PROSBT BIRABEN.
BRICAUD décède en 1934 et CHEVILLON lui succède.
1934 voit le fameux convent de la FUDOSI (Fédération Universelle des Ordres et Sociétés Initiatiques), avec un rite de MEMPHIS-MISRAÏM remanié par ROMBAUTS contenant notamment les « nouveaux » Arcana Arcanorum. ROMBAUTS invente à cette occasion un 99ème degré attribué à un Souverain Grand Hiérophante Invisible du nom d’OR-ZAM et qui n’est autre que lui-même. Le convent de la FUDOSI rassemblera divers représentants nationaux de rites Egyptiens qui constitueront un Suprême Conseil international avec OR-ZAM à sa tête. Une charte de ce rite sera délivrée à la France avec LAGREZE comme Grand Maître du Souverain Sanctuaire. Mais la même année, des conflits mirent en péril le rite et le firent imploser provoquant ainsi sa mise en sommeil totale. En 1935 le rite de MEMPHIS-MISRAÏM créé par les Belges est exclu de la FUDOSI et l’identité du Hiérophante invisible 99ème est dévoilée. Certains frères se rallient à CHEVILLON qui n’avait pas accepté les modifications de rituels des Frères belges, c'est à dire refusé l’introduction de l’échelle de Naples (version belge) dans son rite. Cependant, la branche française du rite de ROMBAUTS représentée par Georges BOGE de LAGREZE refuse la mise en sommeil.
En 1939, Robert AMBELAIN est reçu apprenti dans la filiation CHEVILLON.
Mars 1944, Henry Charles DUPONT succède à CHEVILLON assassiné par la milice (DUPONT désigne Pierre DEBEAUVAIS qui prendra la direction durant 2 ans avant de la rendre à DUPONT).
En 1960, ce sera Robert AMBELAIN qui prendra la suite.
Depuis 1934, la ligne n’a pas changé jusqu’à AMBELAIN, ce sont toujours les même rituels, toujours pas d’Arcana Arcanorum.
Mais restons en 1934, LAGREZE et PROSBT BIRABEN, avec leur charte de la branche belge ont donc de leur côté refusé la mise en sommeil de l’Ordre malgré la décision de ROMBAUTS. LAGREZE maintient donc sa branche française mais avec un rite de MEMPHIS et non un MEMPHIS-MISRAÏM nouvelle version (donc pas d’Arcana Arcanorum). LAGREZE transmet en 1945 une charte à PROSBT BIRABEN avant de mourir début 1946, en 1947 le rite de MEMPHIS est rétabli.
La France a désormais de nouveau oublié les Arcana Arcanorum et connaît à ce moment deux branches de rites égyptiens représentées par DUPONT d’une part et PROSBT BIRABEN (sans parler de DEBEAUVAIS) d’autre part. Mais ces deux filiations ne pratiquent pas les Arcana Arcanorum, la première parce que CHEVILLON n’a pas voulu en entendre parler, la deuxième parce qu’il s’agit d’un rite de MEMPHIS et non d’un MISRAÏM.
Mais, en 1956, Jean MALLINGER, collaborateur de ROMBAUTS, envoie à Jean Henri PROSBT BIRABEN les patentes du rite de MISRAÏM, cette fois avec le régime de Naples (version Belge).
En 1957, Henri DUBOIS reprend les deux branches de PROSBT BIRABEN décédé peu avant.
Les Arcana Arcanorum, absents de 1816 à 1930 dans les rites égyptiens réapparaissent donc au convent de 1934, dans une nouvelle version, pour disparaître à nouveau la même année sans laisser de traces (pour la France en tout cas). En effet, comme nous l’avons vu, Jean BRICAUD et Constant CHEVILLON, qui représentaient la branche opposée à celle des belges (représentée en France par LAGREZE) ignoraient les Arcana Arcanorum puisqu’ils ont refusé toutes modifications. De son côté, Georges LAGREZE ne les a pas pratiqué lui-même puisque c’est le rite de MEMPHIS qu’il remettra à l’honneur jusqu’à ce que Jean-Henri PROSBT BIRABEN reçoive de Belgique en 1956 la branche de MISRAÏM avec l’échelle de Naples. Mais les textes aujourd’hui connus des Arcana Arcanorum dit aussi Arcana Arcanorum de ROMBAUTS peuvent-ils vraiment être pris au sérieux ? ROMBAUTS n'a t-il pas tenté un coup de poker en s'inspirant des enseignements pythagoriciens pris chez DANTINE et l’OHTM (Ordre Pythagoricien), en y acollant le vieux tuileur maçonnique de Misraïm de l'échelle de Naples, dont la publication est en tout point conforme se retrouve chez RAGON qui l'a publié le premier (sans donner de rituel) ? Cela expliquerait la pauvreté des premiers rituels de 1934 inventés pour l'ocasion par ROMBAUTS et MALLINGER. Toujours est-il que la théurgie tant vantée des opérations secrètes des Arcana Arcanorum passe inaperçue de la majorité des tenants de l’occultisme pendant tout le XXème siècle. Voici d’ailleurs ce que déclare Robert AMBELAIN (héritier de la filiation CHEVILLON) en 1975 dans le livre de Jean-Pierre BAYARD(7):
Aujourd’hui, les filiations issues de CHEVILLON, qui comme nous l’avons vu ne pratiquaient pas l’échelle de Naples, ont toutes plus ou moins rectifié leurs rituels à la façon « Arcana » en récupérant des documents, mais peut-on vraiment parler de transmission de cet enseignement si prestigieux dans ces conditions, qui semble remonter à très loin mais pour lequel les frères belges sont étrangers quisqu'ils les ont réinventés dans une version pythagoricienne ? Probablement qu’il faut considérer les "vrais" Arcana Arcanorum comme le seul et véritable lien avec l’Egypte via un Ordre secret que nous avons évoqué au début. D’ailleurs, n’est-t-il pas précisé dans les Arcana de ROMBAUTS :
Mais alors avant MISRAÏM, qui nous a amené les Arcana Arcanorum, quel Ordre les a maintenu secrets et les conserve sans doute encore ? Quelle est cette société secrète Egyptienne mentionnée par GALTIER(1) dont même la police secrète autrichienne ne put découvrir l’identité, qui était mixte, et signalée en parallèle des rites de MISRAÏM ou de MEMPHIS, qui perdirent très vite leur légitimité vis à vis de cet Ordre qui choisit par la suite de pénétrer d’autres structures ou même d’en créer (ce fut le cas au début du siècle) pour continuer la transmission ? Autres ordres qui, d’ailleurs, se sont retrouvés dans la même situation que MISRAÏM, c’est à dire déconnectés du pyramidion qui aujourd’hui semble vouloir rester discret…
Comment expliquer que Georges LAGREZE, malgré sa nomination à la tête du Souverain Sanctuaire Français des rites unis modifiés par ROMBAUTS, délaisse les ajouts Belges qui réintroduisent l’Echelle de Naples tant vantée pour finalement ne pratiquer qu’un rite de MEMPHIS ? Cet expert de l’ésotérisme dont on disait qu’il était celui qui cumulait le plus d’initiations à l’époque serait-il passé à côté de cet enseignement si prestigieux ? Ou bien aurait-il conclu que les Arcana Arcanorum de ROMBAUTS n’étaient pas d’une valeur initiatique aussi importante qu’on a voulu nous le faire croire en 1934 ? Doit-on alors considérer cette attitude comme une indication sur la valeur des Arcana Arcanorum de ROMBAUTS, les seuls que connaissent la plus part des filiations Egyptiennes d’aujourd’hui, et qui n’ont rien à voir avec les premiers (connus d’ailleurs par les experts sous d’autres dénominations) ?
Il y aurait certainement encore beaucoup à dire, notamment du point de vue des filiations les plus internes qui connaissent les voies d’immortalité, je fais allusion aux filiations de l’ancienne Rose-Croix d’Or allemande dont les documents prouvent incontestablement qu’ils connaissaient les alchimies internes et qu’ils en détenaient les clés opératives. En dehors du courant Rose-Croix existent aussi quelques transmissions parmi lesquelles on peut deviner l’Ordre du Paraclet qui, s’il n’est pas détenteur des Arcana Arcanorum,a néanmoins servi en tant que paravent d’un autre ordre plus interne dépositaire de certaines pratiques similaires aux Arcana Arcanorum (rien à voir avec les Arcana Arcanorum de ROMBAUTS qui n’enseignent pas ces techniques) mais dans une version chrétienne gnostique du système, A cet égard les pratiques mentionnées dans le livre de ZOCATELLI(10) sont significatives. Il est à noter d’autre part que ces filiations, qui n’ont rien à voir avec les créations ex-nihilo qui fleurissent ici et là existent toujours à l’heure actuelle mais ne sont semble-t-il transmises qu’à de rares occasions. Il ne faut pas oublier également, comme le précise Jean-Pierre GIUDICELLI de Cressac Bachelerie(9), que les Arcana Arcanorum existent sur la ligne pure et que cet enseignement servait d’introduction à d’autres Ordres plus secrets, ce qu’avait par ailleurs confirmé de son côté Gastone VENTURA(3) et que l’histoire nous laisse seulement entrevoir. Enfin, il faut quand même comprendre que ce type d’enseignement ne peut raisonnablement être transmis qu’après un long cheminement, lequel pourra peut-être faire s’éveiller les qualités nombreuses indispensables aux opérativités de ce type, et qu’il ne suffit pas d’être reçu au 90ème degré pour y parvenir.
Les rites Egyptiens en matière d’Arcana Arcanorum ne semblent donc pas être la source la plus fiable. Notons par ailleurs que la pratique du "petit arcane naturel" ne fut pas transmise qu’au sein du rite de MISRAÏM, GURDJIEFF lui-même en connaissait l’existence et l’enseignait semble-t-il aux plus avancés de ses disciples, on peut s’en rendre compte dans le livre d’OUSPENSKY, c’est ici qu’il est réellement fait allusion à ce qu’il appelle quatrième voie et qui n’a rien à voir avec tous les enseignements postérieurs de certains groupes sur le contrôle du mental qui ne sont qu’une préparation à l’approche de la quatrième voie ou "voie des substances". Aleister CROWLEY lui-même, malgré sa folie, fut en possession de certains éléments internes de ces voies, Il suffit pour s’en assurer de se reporter à certains passages des rituels de « l’Ordo Templi Orientis ». L’étude des documents de "l’Orient de Patmos" permet également de penser que BO YIN RA en connaissait la pratique. Il y a encore d’autres exemples de ce type, mais il faut parfois beaucoup de temps pour les découvrir et nous préférons laisser au lecteur le loisir de les chercher lui-même. Alors en attendant, pour ceux que le sujet intéresse, il vaut peut-être mieux s’orienter sur quelques opérativités comme le rituel d’Abramelin le mage ( qui n'est qu’une partie d’un ensemble beaucoup plus vaste) où l’on peut trouver une pratique susceptible de donner des résultats intéressantsqui, par certains aspects, peut s’apparenter à la théurgie des Arcana Arcanorum, car comme le précise Jean-Pierre GIUDICELLI de Cressac Bachelerie (9) à propos des Arcana Arcanorum :
Celui-ci est et doit rester techniquement précis. On oublie trop souvent que l’on ne doit pas improviser une voie et à la réinventer au gré de son humeur ou de ses propres faiblesses, mais au contraire se plier à l’exercice de certains processus traditionnels. Cette voie doit être transmise tant sur le plan rituel que sur le plan des instructions pratiques qui, nous le répétons, ne procèdent pas du hasard et des interprétations de chacun, mais nous sortons là de l’aspect maçonnique qui n’a jamais été concerné directement par ces pratiques. Ce qu’il est à mon avis important de retenir, c’est que malgré tout ce que nous avons écrit, le rite de MEMPHIS-MISRAÏM reste sans conteste l’un des plus beaux rites maçonniques jamais réalisé, et nous maintenons qu’un chercheur sérieux et déterminé peut trouver ce que sont les Arcana Arcanorum s'il met les moyens.